Chant d'automne
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres,
Le bois retentissant sur la pavé des cours.
Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dan son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.
J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombre
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grand un cercueil quelque part...
Pour qui ? - C'était hier l'été; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
Baudelaire