Les métaphores du cancer se sont toujours multipliées comme, eh bien, des cellules hyperactives. Selon les époques, la maladie a été qualifiée de crabe, de bile noire ou de «grossesse démoniaque». Comme le soulignait Susan Sontag dans les années 1970, son vocabulaire est souvent issu d'un champ lexical topographique et militaire: le cancer est un envahisseur ennemi, ou pire encore, un «barbare de l'intérieur». Les cellules malignes apparaissent comme une «foule désorganisée et autonome d'adolescents inadaptés, qui se déchaînent contre la société qui les a engendrés» dans la description du chirurgien et auteur Sherwin Nuland du début des années 1990.
Le cancer: notre double ?
Aujourd'hui, la malveillance du cancer évoque une imagerie nouvelle, plus proche de nous encore: les métastases seraient «des doubles plus perfectionnés de nous-mêmes». Cette idée provocante est née dans l'esprit de l'oncologue Siddhartha Mukherjee, qui remarque que le cancer pervertit les voies cellulaires normales pour les faire «grossir plus vite et s'adapter mieux». Mukherjee s'accorde avec Sontag pour mettre en garde contre la dissolution du cancer dans la métaphore. «Mais ce n'est pas une métaphore» se défend-il dans The Emperor of All Maladies, ambitieuse histoire scientifique, politique et culturelle du cancer. «Au plus profond de leurs noyaux moléculaires, les cellules cancéreuses sont des copies hyperactives de nous-mêmes, faites pour la survie, confuses, fécondes et inventives».
Cette imagerie reflète une vision contemporaine et sophistiquée du cancer d'un point de vue moléculaire: les cellules cancéreuses sont considérées comme rusées, prolifiques et immortelles. Elle permet d'envisager de façon homogène une maladie qui est moins que jamais considérée comme un seul problème avec une seule et unique solution. En fait, cette métaphore implique une idée bien plus angoissante: si l'ennemi c'est nous en mieux, il se pourrait bien qu'il n'y ait pas de solution possible. Comme s'interroge M...
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