Arizona : culte des armes et appels à la haine
Sitôt après la fusillade qui a fait six morts samedi à Tucson, et au cours de laquelle l'élue démocrate Gabrielle Giffords a été grièvement blessée, les messages de sympathie ont afflué. De la part du président américain, tout d'abord : Barack Obama a qualifié l'élue "d'amie" et a promis une enquête exhaustive sur l'attentat. Il a indiqué avoir dépêché sur place le directeur de la police fédérale, Robert Mueller. D'ores et déjà, il semblerait que le jeune homme auteur des coups de feu n'ait pas agi seul... Mais les messages de sympathie sont venus également, de manière tout aussi rapide, du camp républicain, et notamment de Sarah Palin - comme s'il s'agissait de se dédouaner...
Avant même la fusillade qui a visé l'élue démocrate, l'Etat d'Arizona a en effet connu une année politique convulsive devenue le symbole des âpres querelles partisanes qui divisent aujourd'hui une bonne partie des Etats-Unis. La police ignore encore les mobiles de l'auteur de la fusillade. Il se pourrait même qu'ils ne soient pas de nature politique. Mais ce drame intervient dans un climat lourd de tensions depuis plusieurs mois dans cet Etat voisin du Mexique. Le shérif du comté de Pima, dont Tucson est le chef-lieu, n'a pas hésité à dénoncer la rhétorique incendiaire qui a prévalu ces derniers temps, "le vitriol qui sort de certaines bouches pour appeler à démolir le gouvernement". Clarence Dupnik a fustigé "la colère, la haine, l'intolérance" dont "malheureusement, je pense que l'Arizona est devenu une sorte de capitale". Les lois sur le contrôle des armes à feu sont parmi les plus laxistes du pays. "Le nombre d'armes et le nombre de gens furieux qui y ont accès est ahurissant", explique Alfredo Gutierrez, un ancien élu du parlement d'Arizona. "Le mélange des armes et de la colère en Arizona constitue quasiment une incitation à la violence".
Insultes et menaces
Gabrielle Giffords a été élue pour la première fois à la Chambre des représentants en 2006. Blonde et élégante, elle est mariée à l'astronaute Mark Kelly, qui doit rejoindre au printemps son frère jumeau à bord de la station spatiale internationale. Elue d'un Etat plutôt à droite, elle est considérée comme l'une des centristes du parti démocrate. Elle avait reçu de nombreuses menaces lors de son soutien à la réforme de la santé de Barack Obama. En mars dernier, après l'adoption définitive de la loi par le Congrès, une fenêtre de sa permanence de Tucson avait été brisée. "Nos locaux sont devenus un point de rassemblement pour le mouvement Tea Party et la rhétorique est enflammée. Pas seulement les coups de téléphone, mais les courriels, les insultes", avait-elle déclaré à la chaîne MSNBC. Et elle avertissait : "Quand certaines personnes font cela, elles doivent se rendre compte des conséquences de leurs actes".
Mais l'étincelle qui a mis le feu aux poudres est survenue l'été dernier, quand le gouverneur républicain Jon Brewer a promulgué une loi votée par les élus conservateurs du parlement de l'Etat visant à réprimer l'immigration clandestine. La loi, connue sous le nom de SB 1070, "a exacerbé les divisions politiques en Arizona comme jamais", analyse Bruce Merrill, politologue à l'université d'Etat de l'Arizona. Une majorité de l'opinion locale a soutenu la loi dénoncée par ses détracteurs et par la communauté hispanophone comme inconstitutionnelle et contraire aux droits. Au moment de l'adoption de la loi, un élu démocrate du Congrès opposé à la nouvelle législation a décidé de fermer des locaux à Yuma après la découverte d'une vitre cassée et d'une balle déposée à l'intérieur. Gabrielle Giffords est, pour sa part, favorable à une approche plus souple vis-à-vis des immigrants que celle prévue par la loi SB 1070. Elle militait au Congrès pour le vote d'une réforme globale de l'immigration.
Un viseur comme logo de campagne
D'autres questions divisent l'Arizona, la crise économique en particulier qui a transformé cet Etat du désert dynamique en une des zones les plus touchées du pays par l'effondrement des subprimes et les saisies immobilières. A cela, il faut encore ajouter la hausse des déficits, un thème qui a contribué à porter les conservateurs à la victoire lors des élections de mi-mandat le 2 novembre.
Mais lors de ces élections, Gabrielle Giffords a, pour sa part, été réélue, après une bataille serrée avec les républicains qui espéraient conquérir sa circonscription. Et elle a dû faire face à une campagne particulièrement violente. Son adversaire à l'élection avait appelé en juin ses partisans à "viser dans le mille" pour la victoire et à l'aider à "chasser" Giffords lors d'un meeting au cours duquel les participants pouvaient tirer avec un fusil automatique. La circonscription de Gabrielle Giffords était ainsi marquée d'une cible sur une carte des Etats-Unis diffusée par Sarah Palin avant les élections législatives. "Ne pas battre en retraite, réarmer", a longtemps été le slogan de cette figure de proue du Tea Party et de l'ultradroite, qui s'est défendue de tout appel à la violence, expliquant seulement inciter à l'action militante. Sarah Palin, ancien gouverneur de l'Alaska, a retiré samedi de son site le logo de son slogan, un viseur d'arme à feu, et a présenté ses condoléances aux victimes sur Facebook.
Source: http://lci.tf1.fr/